Arrivée tardive du chat farceur.

Le soleil se levait à peine et la ville était encore calme. D'ici quelques heures, les rues seraient animées mais pour l'instant, c'était le silence qui régnait. Silence qui fut brisé par le tintement d'un grelot. Au bout de la longue rue, une silhouette se profila et le grelot tinta de nouveau. Le félin s'arrêta sur le bord du trottoir et bailla. Elle portait un pull rayé rouge et noir si grand pour ce petit chat qu'il cachait presque complètement son short. Elle avait aux pieds de gros botillons desquels sortaient de hautes chaussettes elles aussi rayées. Le grelot attaché à sa queue retentit à nouveau. Elle passa une main dans ses cheveux blancs aux pointes noires, les ébouriffant encore un peu plus avant de déposer les trois pesants sacs qu'elle portait à ses pieds. Depuis qu'elle était partie de chez elle, elle ne s'était presque pas reposée, trop pressée d'arriver. Depuis le temps qu'elle en rêvait ! Elle aurait put arriver dès le premier jour, celui de la rentrée, si sa mère n'était pas tombée malade, lui mettant les nerfs à vif et l'obligeant à repousser son départ. Maintenant, après plusieurs jours de voyage, elle était enfin arrivée ! Le problème, c'était qu'elle n'avait aucune idée d'où aller...
Elle ramassa ses sacs tout en se disant qu'elle était bien partie pour tourner en rond. Elle avait à peine fait une dizaine de pas que l'un des sacs lui glissa de l'épaule et alla lui écrabouiller les orteils. Elle retint un miaulement de colère et ramassa le sac récalcitrant puis repartit d'un pas vif. De loin, elle repèra l'enseigne d'un café et ses oreilles de matou se dressèrent quand elle constata que le café en question était ouvert. Elle entra sans attendre et s'installa près d'une fenêtre en posant ses sacs avec un soupir de soulagement. Elle regrettait presque maintenant d'avoir refusé que son père l'accompagne.
-Qu'est ce que je vous sers ?
Elle se tourna vers le serveur, un ange de toute évidence, et lui répondit :
-Un lait chaud.
Le serveur s'en alla chercher sa commande et elle se retourna vers la fenêtre. Quelques lèves-tôt trainaient déjà dans la rue, certains avec encore le regard bouffi.
La queue du félin se balançait, faisant tinter le grelot en rythme. Lorsque le serveur vint lui apporter sa tasse et qu'elle repéra le regard agacé d'un autre client, installé au comptoir, elle arrêta le mouvement de balancier de sa queue. Elle termina rapidement son lait et, laissant une pièce de monnaie sur la table, reprit ses sacs et s'approcha du bar. L'homme imposant qui se tenait derrière lui jeta un regard suspicieux mais elle ne s'en préoccupa pas et demanda :
-Vous pourriez m'indiquer le chemin jusqu'à l'Académie du Phénix ?
Le regard de l'homme s'adoucit et il lui répondit. Elle le remercia, sortit et reprit sa route. Maintenant qu'elle se savait si près de l'Académie, elle se sentait un peu inquiète. Pas à cause de la discipline qui devait forcèment y avoir, son maître n'ayant pas toujours été un tendre avec elle, mais bien parce qu'elle n'y connaitrait personne. Même farceuse, elle savait rester sérieuse quand il le fallait. Enfin, pas trop longtemps non plus au risque de vraiment devenir dingue. Se faire des amis ne l'intéressait pas vraiment, elle n'allait d'ailleurs pas là bas pour ça et elle avait de toute manière l'habitude de ne pas avoir des masses d'amis mais elle détestait se sentir perdue et c'est ce qui risquait d'arriver ici. Du moins, au début...
Elle prit le dernier tournant et s'arrêta net, bouche bée. Les murs qui entouraient l'Académie étaient tout simplement IMMENSES ! Les grilles, tout aussi immenses et au dessus desquelles on pouvait lire "Académie du Phénix", étaient gardées par deux hommes. Ils n'avaient pas l'air très heureux de se trouver là.
Le félin s'approcha tout sourire des deux gardes qui la regardaient d'un air méfiant. Cherchant à alléger la lourde atmosphère, elle leur lança d'un air joyeux :
-Bonjour, messieurs ! Vous permettez ?
Sans attendre de réponse, elle s'avança vers les grilles, bien décidée à entrer. Malheureusement l'un des deux hommes l'arrêta en posant une main sur son épaule.
-Désolé, mademoiselle mais seuls les enseignants et les élèves ont le droit d'entrer.
-Ah, mais je suis une élève ! Je suis un peu en retard mais...
Elle ne put terminer sa phrase car le garde l'interrompit :
-Vous avez le papier confirmant votre inscription ?
Le chat eut un doute mais répondit tout de même :
-Il doit être dans mon sac. Attendez une minute !
Elle laissa tomber ses trois sacs et se mit à fouiller dans l'un. Qu'elle referma avant de fouiller dans un deuxième. Qu'elle referma à son tour pour fouiller dans le dernier. Petrifiée, les mains toujours dans le sac, elle pensa :
"M*rde ! J'l'ai oublié !"
Elle referma le sac et se remit debout sous le regard de plus en plus méfiants des deux hommes.
-Vous allez rire mais je crois bien que je l'ai oublié ! C'est bête hein !
Toujours souriante, elle eut un rire nerveux qui s'interrompit lorsque l'un des deux gardes lui répondit :
-Ah oui, vraiment ? Eh bien, pas de papier, pas d'autorisation. Va voir ailleurs !
Enervée, son sourire envolé, la féline s'écria :
-Mais puisque je vous dis que je suis inscrite ! Je suis juste arrivée en retard ! Aleksandra Lone, ça vous dit rien ?! Vous avez pas la liste des élèves ? C'est dingue ça !
-Pas de discussion, va voir ailleurs, le chat !
La jeune fille se retint de répliquer, ramassa ses sacs et s'éloigna de quelques pas. D'un geste rageur, elle laissa retomber ses sacs sur le bord du trottoir où elle s'assit en ignorant le regard des deux idiots de gardes ! Elle n'allait quand même planter sa tente ici en attendant que quelqu'un vienne et se demande ce qu'elle faisait là. Elle n'avait pas de quoi camper ni même de tente d'ailleurs. Elle commença à réfléchir à un moyen d'entrer et barra bien vite l'option "escalader le mur". Bien que très haut, elle n'aurait aucun mal à grimper. C'est surtout le système de sécurité qu'il devait y avoir qui l'inquiètait. Elle ne chercha pas non plus à trouver un moyen d'assomer les gardes. Le temps qu'elle en mette un à terre, l'autre l'aurait attrapée. Et se faire arrêter n'était pas vraiment la bonne solution.
Elle eut alors un déclic. Elle n'avait qu'à utiliser un de ces gadgets ! Elle ouvrit à nouveau un des sacs et se mit à fouiller dedans en murmurant :
-Mes pétards sopo'... mes pétards sopo'. Où est ce que je les ai mis ?
Ses " pétards sopo' " n'aurait pas la même efficacité en plein air mais ils agiraient suffisamment longtemps pour lui prermettre de dépouiller l'un des gardes de sa clé et pour ouvrir les grilles. Ces deux idiots de gardes se réveilleraient avec un sacré mal de tête sans même avoir compris pourquoi ils s'étaient soudainement endormis. Elle mit enfin la main sur un sac en papier qu'elle sortit d'un air triomphant sans se soucier des deux hommes qui observait toujours l'étrange chat. Jetant un oeil dans le sac, elle replongea une main dans le sac à la recherche, cette fois, de son briquet. Qu'elle avait apparemment aussi oublié !
-Et m*rde ! S'écria-t-elle faisant sursauter les deux hommes qui ne la lâchait pas du regard.
"Quelle poisse..."
Elle se laissa tomber sur le sac encore ouvert, pratiquement couchée. Elle n'avait pas laissé sa mère vérifier ses sacs avant de partir pour ne pas prendre le risque de se voir confisquer ses jouets. Seulement du coup, elle avait oublié plein de trucs ! Du bout des doigts, elle sentit un renflement dans la poche latérale de l'autre sac. Poche qu'elle ouvrit rapidement pour en sortir un briquet qui avait apparemment déjà beaucoup servi. Elle chercha à l'allumer, toujours décidée à endormir les gardes. Et finit par laisser tomber le briquet dans la poche où elle l'avait pris en soupirant. C'était bien sa veine, il était vide !
Cherchant toujours un moyen d'entrer, elle se mit à tourner en rond. L'heure passa et rien ne lui était venu à l'esprit. Sans briquet, ça allait être difficile d'assomer ou d'endormir les deux casses pieds qui lui barrait le passage et elle ne tenait pas à prendre le risque de se roussir le poil en grimpant au mur. D'autant qu'avec trois sacs très lourds, ce serait loin d'être évident !
Finalement, au bout d'un moment, l'un des hommes s'approcha d'elle. Elle arrêta net sa ronde et elle le regarda s'approcher, légèrement inquiète. Qu'est ce qu'il voulait lui ?
-Excusez-moi, mademoiselle, mais je dois vous demander de vous en aller... plus loin. Vous ne pouvez pas rester ici.
-Mais puisque je vous dis que je suis inscrite à l'Académie ! Vous êtes bouchés ou quoi ?! Vous n'avez qu'à aller prévenir le directeur, il vous le dira bien, que je suis attendue ! Enfin quoi !
Les cheveux de la féline commençait à s'hérisser et le garde recula d'un pas, pas très rassuré. Ce qui n'arrêta en rien la tirade du matou :
-Vous êtes sûr d'être bien formé ? A votre place, je retournerais à la maternelle !
L'homme allait répliquer, dans l'espoir de faire taire la féline qui commençait vraiment à s'énerver quand une voix claire retentit :
-Qu'est ce qui se passe ici ?

Naru venait d'apparaître, un sac remplit d'épée en mains.
Elle était partit en ville, très tôt ce matin, pour aller chercher les épées de l'école qu'elle avait laissé chez le forgeron du village afin qu'il les aiguise et en répare certaine. Les épées de l'école étaient fort vieilles et c'était dangereux de s'entraîner avec des lames émoussé.
C'est en revenant donc à l'école pour sa première heure de cours, qu'elle remarquait le chahut à la porte d'entrée.
Les gardes sursautèrent et se retournèrent vers la prof.
- C'est cette fille, m'dame... elle dit qu'elle est une élève de l'école mais elle a pas son papier d'inscription...
Une veine apparut sur la tempe de la Maîtresse d'arme. Cet homme avait oser l'appeler "Madame".
Elle fit tomber le sac d'armes sur le pied du garde, l'air de rien. Le type grogna de douleur mais n'osa pas faire de remarques... pas fou, hein !
- Une nouvelle élève, vous dites ? Voyons ça.
Elle sortit de sa poche un papier avec le nom de tout les élèves de sa classe. Papier qu'elle n'avait jamais fait l'effort de retenir... de toute manière, elle ne savait pas à quel élève appartenait le nom alors...
Elle déplia le papier et se tourna vers la jeune fille.
- Nom et prénom ?

Aleksandra se retourna vers la jeune femme qui venait d'apparaitre. Elle avait les yeux pourpres et, sur le coup, la féline en fut presque jalouse. Les deux gardes semblaient craindre cette jeune femme à l'apparence terrible qui se trimballait... des armes ? Le matou fut légèrement étonné en voyant les différentes armes que contenait le sac. Des sabres de tout genre, de tout type et de toute forme. Il n'en fallut pas plus pour faire comprendre au chat que cette femme devait être l'un des profs et, à voire le paquet qu'elle se trimballait, maître d'arme. Elle se retint difficilement de prendre dans ses bras cette envoyée du ciel qui venait l'aider et qui n'apprécierait sans doute pas de se faire sauter dessus par un matou hirsute.
La jeune fille ne put retenir un rire narquois lorsque la nouvelle venue laissa tomber son sac sur le pied du garde qui glapit de douleur mais ne dit rien. Apparemment, elle n'avait pas apprecié le "madame". Ignorant le malheureux qui venait de se faire écrabouiller les orteils, la femme sortit un bout de papier, le déplia et demanda, en se tournant vers Aleksandra :
-Nom et prénom ?
La réponse vint immédiatement :
-Aleksandra Lone !

Aleksandra Lone... Aleksandra Lone...
Naru chercha dans sa liste... Les noms étaient par ordre alphabétique et elle tomba assez vite dessus.
- Mmh mmh... fit-elle en tapotant sur son papier. Tu es dans ma classe de cette après-midi.
Un des gardes s'avança (celui qui n'avait pas son pied écraser par une bonne centaine de kilo de métal) et dit :
- Mais... m'dame... elle n'a pas de papier... on ne peut donc pas la faire entrer... si ça se trouve, elle a reprit le nom de cette jeune fille pour s'infiltrer dans l'école.
Et hop ! Un nouveau "m'dame".
Naru attrapa les sacs de la nouvelle élève et les foutu dans les bras du garde en question.
- Eh bien, on va voir ce qu'en dit le directeur. Tenez ça ! Et vous, portez donc le sac d'armes s'il vous plait. rajouta-t-elle à l'autre.
Les deux gardes s'exécutèrent d'un air bougon.
Naru se tourna vers la jeune fille.
- Eh bien Miss Lone, vous n'allez pas rester planter là derrière toute seule... Suivez moi donc !

- Mmh mmh... fit-elle en tapotant sur son papier. Tu es dans ma classe de cette après-midi.
Ah vraiment ? Aleksandra ne s'était donc pas trompée ! Par contre, la jeune femme ne lui paraissait franchement pas sympathique. Elle semblait trop froide au goût de la féline qui cacha son agacement sous un sourire en apparence innocent. C'est là que l'un des gardes, celui qui ne s'était pas fait écrabouiller le pied, s'avança et dit :
- Mais... m'dame... elle n'a pas de papier... on ne peut donc pas la faire entrer... si ça se trouve, elle a reprit le nom de cette jeune fille pour s'infiltrer dans l'école.
Le chat se retint de froncer les sourcils, conservant son sourire qui se crispa tout de même un peu. Une infiltration ? D'où il sortait ça ? Il était c*n ou quoi ? Si tous les gardes surveillant l'Académie étaient comme ça, certains profiterait de ses "talents de sale gosse". Elle ne se pensait pas capable de supporter de parfaits imbéciles qui ne croyaient même pas aux paroles d'un prof !
Rapidement, la femme attrapa les trois sacs de la féline, toujours à terre et les fourra dans les bras du deuxième homme qui avait eu le malheur d'utiliser lui aussi un "madame" bien senti. De toute évidence, la prof n'appréciait guère qu'on l'appelle ainsi. Ok, c'était noté ! Pas de madame ! Mais comment l'appeler alors ? Maitre ?
- Eh bien, on va voir ce qu'en dit le directeur. Tenez ça ! Et vous, portez donc le sac d'armes s'il vous plait.
Alors que l'homme s'éloignait avec ses sacs d'un air penaud, elle lança avec un sourire qui avait retrouvé son semblant d'innocence :
-Faites gaffe, il y a des trucs fragiles et j'y tiens beaucoup !
Les deux hommes disparurent et la jeune femme se tourna vers sa nouvelle élève en disant :
- Eh bien Miss Lone, vous n'allez pas rester planter là derrière toute seule... Suivez moi donc !
Le ton parut vaguement froid à la féline qui se demanda si cette femme savait sourire ou, tout au moins, apprécier l'humour. Préférant ne pas tenter le diable, elle se contenta de répondre :
-Je vous suis !
La jeune femme partit devant et entra sans rien ajouter. Docile, Aleksandra la suivit. Les oreilles bien dressées, le grelot tintant au bout de sa queue, elle observa avec curiosité les imposants bâtiments qui lui serviront pour quelques années de lieu de domicile et d'entraînement. C'était beaucoup plus grand que ce qu'elle avait imaginé ! Elle en était vraiment impressionnée. Et était pressée de pouvoir visiter tout ça. La jeune femme était restée silencieuse et la féline retenait avec difficulté les questions qui se bousculaient dans sa tête. De toute manière, elle finirait bien par avoir des réponses à un moment ou à un autre. Elle jeta un oeil en coin à son nouveau professeur qui, bien droite et l'air digne, ne lui prêtait aucune attention. Elle aurait presque put donner l'impression qu'elle avait oublié le matou qui la suivait.

Suite ici =)

» Arrivée tardive du chat farceur (suite).
» Chapitre 9: Arrivée tardive du maître d'arme.
» Arrivee de Wynn
» L'arrivée d'un nouveau professeur...
» Quand un chat s'ennuie. [Quête]