Je veux une glace !

Deux petites jambes se balancaient gaiement du haut d'une grande chaise. Un peu plus haut, sur la table, en face de la chaise (vous suivez toujours ?), une énorme coupe de glace magnifique et... glacée vient d'être entamée par un coup de cuillère d'une fervente fanatique des sucreries agée de douze ans et profitant de sa jeunesse pour se refroidir le cerveau et déguster un dessert succulent.

-C'est trop boonnnnn !

Remarque de la fervente fanatique en pleine crise d'adoration. La gamine continua à avaler les boules gelées avant de bien racler la coupe de glace et de ne pas laisser s'échapper une goutte de crème ou de chocolat. Après s'être assurée que la coupe pouvait être rangée sans lavage dans une étagère, la jeune fille se laissa retomber mollement dans son siège.

-Tu n'as pas d'argent, ce n'est pas bien Iris !
-M'en fiche, c'était dé-li-cieux et puis tu es là pour me protéger.

Ce qui venait de parler, une sorte d'esprit de forme humanoïde et grisatre et qui flottait à quelques centimètres du sol soupira légèrement et s'apprêtait à lui répéter pour la 247ième fois qu'il n'était pas là pour arrêter de pauvres commerçants qui vivaient honnêtement de la vente de leurs sucreries alors qu'elle ne les payait pas fut interrompu par un serveur qui s'approcha pour demander à la gamine de payer. Avec un charme exquis, il lui demanda de bien vouloir régler sa note la regardant de ses profonds yeux verts. Iris pensa qu'il devait avoir du sang elfe dans son abre généanologique...

-J'ai pas d'argent désolée.

Le serveur la regarda, fronça les sourcils et appela un autre serveur tout en ne quittant pas des yeux la petite au cas où elle voudrait s'enfuir. Ce qu'elle tenta en sautant de son siège et se faufilant sous la table voisine. Malheureusement pour le serveur qui l'attendait de l'autre côté et qui l'attrapa par le bras. Kalith s'apprêtait déjà à intervenir et l'obliger à lâcher prise quand une personne arrêta le pingouin.

Nawel inspira avec joie une grande goulée d'air. La jeune fille était sortie de l'Académie un peu plus tôt dans la journée. Si les températures commençaient à chuter, la double-sang avait ressenti le besoin de se dégourdir les jambes et se balader dans le parc ne l'avait pas plus tentée que ça. Elle avait donc sauté sur l'occasion du week--end pour s'aventurer en ville. La capitale était le lieu de tout un tas d'activités aussi divertissantes les une que les autres, elle ne risquait donc de ne pas s'ennuyer. Après une bonne quinzaine de minutes, la jeune fille avait quelque peu ralenti l'allure, profitant comme jamais de sa promenade. Il y avait du bruit, bien entendu, mais ceci ne la gênait pas plus que ca.

Nawel tourna à un coin de rue avant de s'arrêter. Il y avait diverses boutiques qui ne l'intéressait pas, et plus loin, un marchand de glace. Rien de bien intéressant donc, et elle n'était pas d'humeur à faire du shopping ni à manger une glace. La jeune fille allait se détourner pour revenir sur ses pas lorsqu'un bruit attira son attention. Elle trouva vite l'origine du bruit, à savoir le marchand de glace. Si sa curiosité ne lui avait pas fait défaut, elle se serait sans doute désintéressée de ce qui se passait là-bas. Pourtant, l'adolescente ne put s'empêcher d'aller voir pourquoi il y avait brusquement du bruit dans une rue si banale. Elle découvrit ainsi un serveur qui semblait empêcher une petite fille de partir. Nawel fronça des sourcils. Elle aurait dû rester là et ne pas s'en mêler, pourtant lorsqu'elle vit l'un deux l'attraper par le bras, elle réagit sans réfléchir. Sa maint se poser sur le poignet du serveur qui releva la tête vers l'élève de l'Académie..

- Je peux savoir ce qu'il se passe ?

Sa voix était neutre mais on pouvait sentir qu'elle demandait des explications sur le champ. La petite s'était immobilisée et les deux hommes ne faisaient pas plus de mouvements qu'elle. L'un d'eux finit par prendre la parole d'une voix morne.

- Cette gamine nous a demandé une glace. Mais elle n'a de quoi payer. Comment voulez-vous qu'on gagne notre argent si on la laisse s'enfuir ?

Nawel l'avait écouté sans dire un mot mais sa réponse fut tout aussi sèche que sa première question.

- Ce n'est pas en lui faisant peur et en l'attrapant que vous réglerez le problème non plus.

Elle libéra le poignet de l'homme avant de reprendre.

- Je paie et vous laissez cette gamine tranquille.

Le serveur n'émit aucune protestation, et lui donna vite le prix. Ce n'était pas cher, et pour une fois que la double-sang sortait son argent, ce n'était pas une grande perte. Elle attrapa ensuite le poignet de l'inconnue et s'éloigna un peu du marchant de glace avant de la lâcher. Elle lui adressa alors un sourire chaleureux.

- File, maintenant. Et ne te remets plus dans des situations pareilles, d'accord ?

Sans attendre particulièrement de réponse, Nawel se détourna de la gamine, regardant maintenant où elle pourrait aller….

- Je peux savoir ce qu'il se passe ?

Une jeune femme arrêta le serveur et leur demanda ce qu'il se passait. Iris la regarda attentivement se demandant si elle faisait partie de la milice de la ville mais se détrompa rapidement : trop jeune et pas d'uniforme. Elle semblait juste être une passante qui voulait savoir ce qu'il se passait, bizarre. Toutes les autres fois où elle s'était retrouvée dans un cas similaire, personne ne l'avait aidée, ils avaient juste regardé d'un air interrogateur la scène jusqu'à ce que Kalith intervienne et qu'elle se sauve à toutes jambes.

- Cette gamine nous a demandé une glace. Mais elle n'a de quoi payer. Comment voulez-vous qu'on gagne notre argent si on la laisse s'enfuir ?

La jeune femme l'écouta, jeta un coup d'oeil vers Iris et répondit d'un ton sec :

- Ce n'est pas en lui faisant peur et en l'attrapant que vous réglerez le problème non plus.

Iris hocha bêtement la tête à côté, tout à fait d'accord avec elle. Quand elle lâcha le poignet de l'homme, elle crut qu'elle allait tourner les talons et la laisser là.

- Je paie et vous laissez cette gamine tranquille.

Iris fit de grands yeux à la jeune fille. elle allait payer à sa place ? Qu'est ce qui n'allait pas chez elle ? Néanmoins, elle s'éxécuta, ce n'était pas une farce et ensuite se tourna vers elle.

-File, maintenant. Et ne te remets plus dans des situations pareilles, d'accord ?

Iris hocha la tête, sachant pertinemment qu'elle recommencerait dès qu'elle aurait faim ou envie de sucreries. Elle voulait par contre remercier cette gentille jeune femme. Alors que celle-ci partait, elle la regarda s'éloigner et prit sa décision.

-Tu vas encore faire une bêtise ! Je le sais.

La jeune fille foudroya Kalith du regard et chercha dans ses poches quelque chose à offrir à sa sauveuse pour se faire pardonner. Tout ce qu'elle trouva fut un bonbon collant à travers son emballage qu'elle réservait pour plus tard. Elle courut jusqu'à le jeune femme qui s'éloignait, lui prit la main et glissa le bonbon dedans avant de dire d'une petite voix :

-Merci madame !

Nawel n'avait pas parcouru quelques mètres qu'elle entendit des pas se rapprocher avant que la gamine ne la rejoigne et ne lui prenne la main. La double-sang la regarda sans comprendre. Elle l'avait sauvé des gardes, mais elle ne lui avait pas demandé de la suivre. A moins qu'elle était perdue ? C'était une hypothèse comme une autre. De toute façon, l'élève n'eut pas le temps d'y réfléchir plus longtemps : la fillette lui mit un bonbon dans la main avant de prendre la parole d'une petite voix.

- Merci madame !

Nawel envisagea une seconde de redonner la surcrerie à la petite pour finalement le mettre dans sa poche. Elle allait peut-être mal le prendre si la jeune fille n'en voulait pas. Dans tous les cas, il fallait qu'elle lui osrte une réponse et l'adolescente ouvrit la bouche.

- De rien. Mais ce n'était pas nécéssaire de me récompenser, tu sais.

Nawel lui adressa un sourire avant de se détourner à nouveau. Elle entendit cependant bien trop rapidement les pas de la fillette la suivre, et cette fois, l'adolescente s'arrêta d'elle-même pour regarder la gamine. Elle la dévisagea une bonne minute et lui adressa ensuite la parole :

- Tu es perdue que tu me suis à la trace ? Où sont tes parents ?

- De rien. Mais ce n'était pas nécessaire de me récompenser, tu sais.

La jeune femme mit le bonbon dans sa poche avant de dévisager Iris pendant une bonne minute, un peu décontenancée celle-ci se dandina d'un pied à l'autre pendant ce temps. Finalement, elle lui continua :

- Tu es perdue que tu me suis à la trace ? Où sont tes parents ?

L'évocation de ses parents rembrunit Iris mais elle était habituée depuis longtemps à cette question. On la lui avait souvent posée et elle gardait toujours la même attitude : renfrognée et réticente à parler. Néanmoins la curiosité de la jeune femme était légitime et elle l'avait aidée (et semblait vouloir continuer en la ramenant chez elle). Alors qu'en vérité Iris savait très bien où elle était et connaissait cette partie de la ville comme sa poche.

-Je suis orpheline, j'habite à l'orphelinat spécialisé du Concile.

L'évocation de l'ordre dirigeant en grande partie la ville fit s'élever un sourcil à la jeune femme. Le Concile n'était pas très populaire auprès de toutes les races ou de toutes les classes sociales, loin de là. Kalith surveillait d'ailleurs étroitement les personnes qui entendaient sa déclaration, craignant chaque fois qu'une personne mal intentionnée s'en prenne à sa protégée lorsqu'elle disait cela.

Nawel vit la gamine se renfrogner lorsqu'elle posa sa question, mais elle ne détourna pas pour autant la conversation. La petite ne pouvait pas la suivre jusqu'à l'Académie après tout, alors autant mettre les choses au clair directement. Elle imaginait bien les gardes d'ailleurs - leur tête surprise en se demandant ce qu'ils devaient faire. L'idée de devoir s'expliquer ensuite à Magnus attira néanmoins une légère grimace à la double-sang.

-Je suis orpheline, j'habite à l'orphelinat spécialisé du Concile.

Le Concile ? Elle n'était donc pas d'une simple famille, si l'on pouvait dire ça. Nawel ne répondit pas tout de suite, cherchant ce qu'elle pourrait faire. Magnus était pas proche des Archimages venant du Conseil. Peut-être saurait-il prendre contact avec eux pour ramener la petite-fille chez elle ? La pensionnaire n'avait rien à perdre en soi, et avec un peu de chances, son entrevue serait rapide. Nawel regarda donc la gamine avant de lui sourire.

- Je vois. Je peux t'emmener chez un ami qui se trouve là où j'habite, il saura sans doute t'aider. Tu veux venir ?

Enfin, "ami"... Supérieur plutôt, mais elle allait utiliser des mots simples. La double-sang attendit ainsi une réaction de la jeune fille, avant de se mettre en route et de reprendre la parole.

- Je m'appelle Nawel, et toi ? Qu'est-ce que tu faisais ici dans les rues ?

Autant engager la conversation d'ici leur arrivée à l'Académie, où elle se dirigerait sans hésiter vers l'administration de l'établissement...

- Je vois. Je peux t'emmener chez un ami qui se trouve là où j'habite, il saura sans doute t'aider. Tu veux venir ?

Un ami qui saurait l'aider ? La petite pensa immédiatement à un vieux sage avec une grande barbe qui descendait jusqu'au sol et qui connaîtrait des tas de trucs bizarres ! Il logerait dans une grande bibliothèque poussiéreuse en haut d'une tour et parlerait d'une petit voix, chaque mot fripant un peu plus son visage ridé comme du vieux cuir...

- Je m'appelle Nawel, et toi ? Qu'est-ce que tu faisais ici dans les rues ?

Iris n'avait pas vraiment envie d'avouer que lors d'une de leurs rares sorties, elle s'était (encore) éclipsée pour aller discrètement manger quelque chose sans payer. La fois dernière c'était des crèpes remplies de crème fraiche avec des petits morceaux de fraise dedans ! C'était super booonnnn aussi ! Sauf qu'elle avait dû courir comme une folle dans des petites ruelles car après que Kalith soit intervenu pour arrêter le vendeur mécontent la milice de la ville avait voulu la rattraper pour la ramener aux responsables de l'orphelinat qui se faisaient un sang d'encre à son sujet... Surtout parce que le concile leur arracherait les yeux s'ils ne la retrouvaient pas.

-Je... me baladais !

Vite changer de sujet ! Avant qu'elle ne l'interroge un peu plus !

-Moi c'est Iris, Iris Thao !